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design / Anthony Folliard
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CRÉATION 2008

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Écriture et mise en scène :
Nadia Xerri-L.
Crédits photos © Pierre Grosbois

résumé
Julie n’est pas montée dans la voiture de ses parents direction le tribunal pour le premier jour du procès de leur fils ainé accusé de meurtre. Julie en sait trop et ne peut pas leur dire. Alors elle fuit du perron familial à la fac à la gare à Annemasse et au Lac…

pourquoi ?
incipit
notes de mise en scène
distribution
partenaires
revue de presse

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pourquoi ?

Le désir d’écrire un hors-champ à une pièce déjà écrite, « Couteau de Nuit ». De recréer ainsi la complexité du réel, sa pluralité de points de vue et de vérités.
Le désir de rester dans l’univers d’une pièce dédiée aux grands plateaux, en créant une pièce pour petits plateaux et surtout pour des hors-les-murs (lycées, foyers sociaux, foyers ruraux, comités d’entreprise, chez l’habitant) qui permettent d’aller à la rencontre de ceux qui ne vont pas au théâtre.
Enfin, le désir de créer un « sur-mesure » pour Shams El Karoui, comédienne rencontrée lors d’une audition, saisissante par son évidente simplicité émouvante.

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incipit

Julie :
Je fais plus âgée, je ne sais pas si c’est un mal.
Je fais gentille, je ne sais pas si c’est un bien.
Je fais discrète, ça je sais.
Je fais « on me met là et je ne bouge pas ». Pourtant en matière de garçons j’ai ce que je veux, et ça les autres filles très jolies très féminines, ça leur fait mal. Pas que je claque les doigts et hop, mais presque. C’est qu’Alex, mon frère aîné, m’a appris les petits détails qui comptent aux yeux des garçons, mais pas le genre de détails qui font fille facile, ça Alex ne supporterait pas.
Alex, il m’apprend à être « femme », il y tient. Mais moi je préfère dire « fille ». Alex m’apprend à être une « belle femme qui présente bien » parce que dans le monde de maintenant, ce dont on a l’air ça compte plus que tout, c’est ce qu’il dit. Et c’est lui qui me l’apprend parce que notre mère, tout ça, l’apparence, le genre qu’on donne, elle ne sait pas, elle ne s’y connaît pas.

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notes de mise en scène

Julie telle que est un road-movie. Julie va de seuil en seuil. La scénographie dit donc le seuil symbolique à franchir ou ne pas ; elle dit aussi le cadre évocateur de cinéma : Julie est une héroïne. Des lumières froides. Des néons qui disent la ville, le lac, l’au-delà.
La direction d’acteur est sur le fil du présent, sensible, tendu par des repères mais plongeant dans le vide du temps de la représentation.

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distribution

Jeu : Shams El Karoui

Scénographie : Caroline Foulonneau
Lumière : NX-L.
Son : Diane Lapalus
Collaboration artistique :
Jean-Louis Fournier

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partenaires

Le Volcan (scène nationale du Havre)
Théâtre Brétigny
Le Festin (CDN de Montluçon).

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revue de presse

terrasse

HORS-SÉRIE / JUILLET 2011
AVIGNON EN SCÈNE 2011 / THÉATRE

ENTRETIEN / NADIA XERRI-L.
CRÉER DE L’INSTANT PUR
Nadia Xerri-L. met en scène deux spectacles nés de deux histoires vraies : celle du footballeur Jean-Pierre Admas et celle de la jeune sœeur de l'assassin qui avait inspiré son Couteau de Nuit.

Le Chemin du but est inspiré du destin du footballeur Jean-Pierre Adams. Pourquoi ?
Nadia Xerri-L. :

Le foot, c’était mon sport d’enfance et d’adolescence : j’ai gardé un lien très fort à l’adrénaline, au danger, à la vulnérabilité des sportifs. Dans un numéro de juin 2008 de l’Équipe Magazine, j’ai découvert l’histoire de Jean-Pierre Adams. Dans le même temps, j’ai entendu dans Interception, sur France Inter, un petit garçon venu d’Afrique dire : « moi, je dois être né dans la mer, parce qu’en France je suis étranger, et en Afrique, je suis étranger ». Moi qui ai vécu toute mon enfance en Côte d’Ivoire, je n’ai pas compris ce qui faisait de moi une Française, quand je suis arrivée en France à neuf ans. J’ai toujours été très sensible à la double culture. On est obsédé par l’identité (au point d’en faire un ministère), par l’intégration, mais qu’est-ce qu’on raconte du paradoxe, du divorce en soi de toute double culture ? Le coma de Jean-Pierre Adams et le souvenir de ce petit garçon m’ont fait penser que cet homme, ni noir, ni français, avait choisi le coma comme seul pays possible, comme seul lieu résolvant la contradiction de son identité.

Qu’y a-t-il de commun entre ces deux solos ?
N. X.-L. :

L’origine de Julie telle que est aussi un fait divers, celui qui a inspiré Couteau de nuit : l’histoire d’un jeune homme jugé pour le meurtre d’un autre du même âge, après une soirée trop arrosée. Julie est sa jeune soeur. Pendant que le reste de la famille se rend au procès, elle reste seule et fuit : la pièce est le récit de son road movie. Par la parole, maïeutique, les personnages naissent à eux-mêmes, cherchent à comprendre ce qui les fonde, et sortent des contradictions qui les fragilisaient. J’adore ces deux solos et je ne pouvais pas choisir de jouer l’un ou l’autre : cela aurait été une amputation. Et je trouve que c’est assez beau et très excitant de voir comment un univers se développe et de pouvoir découvrir le second solo si on a aimé le premier

Vous êtes vous-même à la régie de ces deux spectacles techniquement autonomes. Pourquoi ? N. X.-L. :
Je ne supporte pas qu’il faille attendre pour que le théâtre soit. Aujourd’hui, on est de plus en plus dépressif à cause de la baisse des moyens, et tout est prétexte à ce qu’on en fasse de moins en moins. Or, comme je suis joyeuse, je veux créer des moments de théâtre où on n’a besoin de rien : rien ni personne ne peut alors nous empêcher de faire du théâtre. C’est ma réponse, presque politique, à la crise. C’est aussi le moyen d’aller à la rencontre des gens et de dialoguer, par le son et la lumière, avec le comédien. Ça crée de l’instant pur qui peut exister partout : là, j’ai vraiment l’impression de faire du théâtre public.

// Catherine Robert

linsense

le 12 juillet 2011

PETITE DEMOISELLE JULIE

À deux pas du Cloître des Célestins, au restaurant que l’on a baptisé Tartines pour ses tranches de pain aux anchois, huile d’olive, oignons et tomates… Nadia Xerri-L arrive un peu à la manière de tous les artistes qui occupent le In et le Off du 65ème Festival d’Avignon. Un peu à la bourre, décoiffée, une petite robe à fleurs humbles tenue par un ruban un peu plus épais. Le visage souriant et néanmoins l’air un peu fatigué, elle assure à La Manufacture la présentation de deux de ses spectacles, écrits et mis en scène par elle : Le Chemin du But et Julie Telle que. Deux créations qu’elle reprend et qui lui ont assuré plus d’une soixantaine de dates en France. Retour sur Julie Telle que… Monologue intime et paroles testamentaires de Julie, interprétée par la comédienne Shams El Karoui.

Dialogue écourté

Si le temps l’avait permis, autour d’un café renouvelé dans la régularité des « addicts » à la caféine, le dialogue avec Nadia Xerri-L aurait sans doute porté sur son travail. Celui de l’écriture et de la mise en scène. On serait vite passé sur son itinéraire d’immigrés maltais métissé de breton. Peut-être que les sculptures de son père autodidacte aurait un motif de conversation et que quelques-unes ne sont pas étrangères à la manière qu’elle a, elle, de modeler la scène et l’écriture. Son goût de Koltès : celui des hangars et des zones urbaines, des êtres à la marge de la pensée et des coups durs, nous aurait sans doute installé dans une longue conversation. Après tout, on ne vient jamais au théâtre par hasard, et la première fois n’est pas sans compter, sans orienter le regard et la main qui écrira. Nadia, elle, le comprend vers 11 ans, sa mère, elle, lui offre un abonnement aux Amandiers qui lui donnera le goût de faire une maîtrise de poésie contemporaine. N’en fallait pas moins pour que la suite de sa vie se retrouve prise entre la poésie (ou un geste solitaire) et le théâtre (une offrande à l’autre). A 30 ans, déjà, Nadia Xerri-L est l’auteur de plusieurs textes : Solo d’Ava (2002) qu’elle pose sur la scène d’un hangar à Saint-Denis. Ça plait immédiatement, on le programme ici et là, notamment au Théâtre Paris Vilette (2004). L’une de l’autre (2006), second texte, bénéficie de soutiens institutionnels, et voit la presse nationale s’enhardir à écrire quelques papiers. Viendront ensuite Elles (2008), puis Couteau de nuit (2008) qui sera accompagné par de nombreux lieux pro dont Le Théâtre de la Ville, la Comédie de Reims, La Comédie de Saint-Etienne, le Grand T à Nantes… Jusqu’au Volcan du Havre où elle est artiste associé. Un texte qui relate les 3 première minutes d’un procès et n’est pas sans lien avec Julie telle que. Avant, pendant et aujourd’hui, à la mise en scène de ses propres textes, comme auteur aussi (publiée chez Actes Sud), ou dans les ateliers d’écriture qu’elle fait dans le milieu carcéral, Nadia Xerri-L se dit « accoucheuse ». Un mot qui n’est pas neutre et réfléchi chez elle, un goût certain pour les sagas intimes. Mot au pluriel et donc palindrome qui dit qu’une histoire a un endroit et un envers, un aller et un retour, un va et revient... Qui dit qu’une histoire se lit toujours au regard d’une complexité que les personnages de ces pièces affichent comme dans L’instinct de l’instant (2011) qui joue sur le tintement de sonorités troublantes lesquels, à tendre l’oreille, font entendre une hésitation dans la construction d’une variation « inst…incts…ant ». Un tâtonnement de la langue, dans la langue, en quelque sorte.

Julie telle que...

Est d’abord un titre écourté. Une sorte de titre amputé ou mutilé d’un objet, d’une extension, d’un sémantisme attendu. Un titre qui vous oblige à un effort d’imagination. Julie telle que vous l’imaginez, telle que vous la verriez, telle que la vie la faite, telle que la mort va la prendre… Julie telle que… est ainsi un texte à lui tout seul où le titre, phrase inaugurale, jette immédiatement une énigme, souligne un secret, laisse entendre un montré/caché. Un titre ou pas encore un titre, et déjà une action. Entrant plus avant dans la fiction, Julie telle que ça sera une histoire triste, nouée par le sentiment d’une mélancolie indépassable, une injustice irrecevable, un amour fraternel qui finit comme Ophélie, en ondine désespérée. Et ça parce qu’un frère, Alex, un jeune beau mec un peu branleur qui s’est fait une réputation de dur, de blouson noir, de tombeur de filles… à la sortie d’un karaoké bar sera pris pour le meurtrier d’un autre. Erreur de casting pour le petit James Dean adulé de sa sœur Julie, héros d’une famille où Jean-Pierre (le père) s’offre le droit de cuissage et d’humiliation de Françoise (la mère). Alex, le héros de Julie, le grand-frère, s’était un jour élevé contre ces manières. Mais voilà, Alex est en cabane, Julie au parloir. La presse, toujours plus rapide que la justice, diffuse des portraits du pas encore jugé et déjà coupable. Et Nadia d’écrire cette histoire en pointant l’erreur judiciaire et, mais surtout, en montrant la chute de Julie. Une sorte de descente aux enfers, de déambulation solitaire, de course contre le judiciaire, de conscience qu’il n’y aura aucun retour en arrière.

Sur la petite scène de La Manufacture, une comédienne seule fait le récit de deux vies brisées. Celle de son frère, petit Zucco de cambrousse. Celle de Julie qui va des champs vers la ville en traînant sa solitude. Elle est toute seule alors à faire le compte de ses misères, de ses bonheurs éphémères, des rejets arbitraires qui la poussent vers la sortie.

Une enfance faite de petits secrets qui lui ont gâchés les nuits quand son père baise sa mère derrière la cloison HLM qui vous rappelle que l’intimité ça se paie dans le bâtiment. Une adolescence coincée au lycée aux portes des bandes de jeunes qui ne la regardent pas. Une fuite en avant vers la ville quand Alex arrêté, c’est toute la famille que le bled de campagne reluque comme des dangers.

Le monologue de Shams El Karoui tient alors à quelques écarts de voix quand la colère est trop lourde, quand la douleur est trop vive. Dans sa petite robe noire qu’elle remontera avant de se noyer pour ne pas la froisser ou ne pas froisser, le cheveu noué, elle a l’allure d’une petite nénette simple qui cherchait juste un endroit où se greffer. Sur le plateau, on la suit. En front de scène, elle est à confesser une part intime ou au parloir. Style indirect convoqué pour rapporter des dialogues sous surveillance. En fond de plateau, elle revient sur l’enfance à la lueur d’une lampe de bureau. Sous le portique mis au centre de la scène, on sait qu’elle passe aux détecteurs de métaux de la prison. En guise de détection, on l’entend gémir, s’insurger et confier son identité.

La mise en scène de Nadia Xerri-L privilégie le noir, voire l’ombre qui fait écho à Julie : une âme en peine, ombre d’elle-même. Et les seules couleurs qui viendront « égayer » ce dispositif scénique simple sont quelques néons verts et rouges qui marquent moins un espace qu’un mouvement vers des gares aux architectures « flaschy » ; moins un espace qu’une manière de s’écarter, de se faire oublier jusqu’au moment où on en perd la trace, et que le noir funèbre dit la fin de Julie telle que. Simple, tenu à un monologue, à une sorte aussi de parole intérieure, Julie telle que, dans la mise en scène de Nadia Xerri-L, joue sur un théâtre d’écoute, un théâtre d’oreille qui, dans la tradition du drame contemporain pourrait être un fait divers. Et d’entendre dans cette pièce et ce texte un enjeu existentiel où lorsque toute fuite est devenue impossible, qu’aucun espace extérieur ne peut plus vous recueillir et qu’aucune autre pensée que la tristesse ne peut plus que vous habiter, alors il reste une porte de sortie. Ou le suicide comme espace ultime, passage que l’on fait en clandestin, seul, à l’écart. Julie telle que, ou une sœur de Mademoiselle Julie, une tragédie, un drame…un autre fait divers… La Manufacture, jusqu'au 28 juillet, en après-midi.

//Yannick Butel